Revue de réflexion politique et religieuse.

Numé­ro 139 : L’es­prit du conser­va­tisme

Article publié le 6 Juin 2018 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

En France, le conser­va­tisme n’a jamais acquis la valeur d’une idéo­lo­gie poli­tique bien pré­cise ni qua­li­fié aucun par­ti élec­to­ral de quelque impor­tance, mais bien plu­tôt une atti­tude ten­dant à frei­ner les ardeurs révo­lu­tion­naires, et plus géné­ra­le­ment l’attachement au res­pect de cer­tains prin­cipes per­ma­nents de l’ordre social. S’y inté­res­ser aujourd’hui répond au fait d’entendre dire de-ci de-là que le conser­va­tisme connaî­trait un « retour », affir­ma­tion qui a donc de quoi sur­prendre, même si l’usage que l’on fait de ce terme mérite d’être pré­ci­sé.

Comme bien d’autres, en effet, il est l’objet d’acceptions mul­tiples. Il peut expri­mer l’idée d’une pro­tec­tion contre l’usure du temps, ce dont témoignent les fonc­tions de conser­va­teurs des hypo­thèques, du patri­moine, des monu­ments his­to­riques… On l’utilise aus­si pour expri­mer l’attachement aux pri­vi­lèges et la peur de voir ceux-ci remis en cause. Vers la fin du régime sovié­tique, on par­lait ain­si des « conser­va­teurs » com­mu­nistes qui se cram­pon­naient au pou­voir. Cer­taines per­sonnes emploient l’expression dans un sens approxi­ma­tif, pour évo­quer la défense de la culture contre la déca­dence, le res­pect des « valeurs tra­di­tion­nelles » mena­cées par la post­mo­der­ni­té, la morale tra­di­tion­nelle, fina­le­ment leur atta­che­ment à tout ce qui per­met à une socié­té quel­conque de vivre dans l’ordre et d’espérer durer. Le concept de conser­va­tisme est donc ana­lo­gique ; une même idée de main­tien d’un cer­tain état des choses en forme le noyau com­mun, mais il est requis de pré­ci­ser à quel objet et dans quelle mesure on entend l’appliquer. Un sens plus strict, poli­tique, lui vient d’Outre-Manche.

C’est en effet là que la pen­sée conser­va­trice s’est consti­tuée, vers la fin du XVIIIe siècle, avant de ser­vir de réfé­rence un demi-siècle plus tard au mou­ve­ment poli­tique ulté­rieu­re­ment nom­mé Conser­va­tive Par­ty. Le conser­va­tisme amé­ri­cain, plus tar­dif, pui­se­ra son ins­pi­ra­tion à la même source. Hume et Burke en ont été les prin­ci­paux concep­teurs de ce sys­tème. On trouve déjà chez ces auteurs les ingré­dients prin­ci­paux d’un mixte qui se carac­té­rise par la modé­ra­tion en tout domaine au nom du réa­lisme, de l’expérience acquise et des conve­nances. Leur maître mot est la pres­crip­tion, en d’autres termes, la légi­ti­ma­tion d’un état de choses par la durée. L’empiriste Hume pen­chait vers un machia­vé­lisme du pou­voir que devait limi­ter le sou­ci de ne rien ébran­ler dans les cou­tumes ances­trales. Un peu plus tard, Burke, avant tout dési­reux d’éviter l’importation de l’esprit de la révo­lu­tion fran­çaise en Angle­terre, en reprit et déve­lop­pa les prin­ci­pales posi­tions, en met­tant l’accent sur le côté expé­ri­men­tal de la poli­tique, le res­pect des cou­tumes, la sta­bi­li­té des rap­ports sociaux, oppo­sant tout cela aux abs­trac­tions du contrat social, certes, mais aus­si aux prin­cipes uni­ver­sels qui s’appliquent dans la diver­si­té des situa­tions par­ti­cu­lières mais struc­turent la conti­nui­té d’une conduite poli­tique. La plus grande méfiance était ain­si témoi­gnée envers le chan­ge­ment de l’ordre des choses, notam­ment l’ordre social, quels qu’en soient l’inspiration et le but ; en revanche l’unicité du pou­voir royal est vue comme un dan­ger d’empiètement sur les liber­tés acquises. Le lien avec le libé­ra­lisme est tel qu’il est déjà dif­fi­cile, à ce stade ini­tial, d’en dis­tin­guer vrai­ment le conser­va­tisme.

Par­ler du conser­va­tisme fran­çais, depuis les len­de­mains de la Révo­lu­tion, est plu­tôt une manière de clas­ser une caté­go­rie de libé­raux moins viru­lents que les autres, Toc­que­ville étant cer­tai­ne­ment le plus repré­sen­ta­tif de cette ten­dance, avant le catho­lique libé­ral non moins modé­ré que fut Mon­ta­lem­bert. Le conser­va­tisme se pré­sente sur­tout comme une atti­tude, une dis­po­si­tion d’esprit, reven­di­quant l’ordre moral, l’ordre dans la rue, le res­pect de la pro­prié­té, l’hostilité au jaco­bi­nisme. Cepen­dant même lorsqu’il a expri­mé cette reven­di­ca­tion sous une appa­rence théo­rique « contre-révo­lu­tion­naire », c’est-à-dire en réac­tion aux des­truc­tions carac­té­ris­tiques de l’époque, il s’est dis­tin­gué de la pen­sée poli­tique et sociale issue de la phi­lo­so­phie réa­liste, conforme à la droite rai­son et ouverte à la Révé­la­tion, nor­ma­tive dans ses atten­dus et gui­dée par la ver­tu de pru­dence dans ses actes. On pour­rait ajou­ter qu’il s’est, par le fait même, dis­tin­gué de l’enseignement des papes de la période post-révo­lu­tion­naire, ce qu’on appelle ordi­nai­re­ment depuis moins d’un siècle la doc­trine sociale de l’Église. Cette forme de pen­sée s’appuyant sur la rai­son natu­relle, est com­mu­né­ment ran­gée par l’esprit moderne sous des éti­quettes dépré­cia­tives. Auguste Comte la relé­guait dans un loin­tain pas­sé plus ou moins toté­mique, et dans le meilleur des cas dans un âge, heu­reu­se­ment révo­lu selon lui, qu’il qua­li­fiait avec dédain de « méta­phy­sique ».

Le conser­va­tisme par­tage cette méfiance, au-delà de cer­taines nuances entre ses par­ti­sans, en rai­son notam­ment de sa dépen­dance envers la phi­lo­so­phie empi­riste de ses fon­da­teurs. Il a grand soin de se gar­der des pôles « extrêmes » jugés aus­si dan­ge­reux les uns que les autres. Le mot qui le carac­té­ri­se­rait le mieux serait sans doute celui d’équi­dis­tance. C’est là un trait qui appa­raît bien à la lec­ture de plu­sieurs entrées d’un gros Dic­tion­naire du conser­va­tisme récem­ment publié sous la direc­tion d’Olivier Dard, Fré­dé­ric Rou­villois et Chris­tophe Bou­tin (Cerf, 2017). Le conser­va­tisme est dans la France contem­po­raine une atti­tude intel­lec­tuelle, poli­tique, sociale, morale, reli­gieuse, un état d’esprit donc, qui se fait une rai­son de l’ordre né de la révo­lu­tion mais en rejette les abus. Dès le début, il ne fut jamais contre-révo­lu­tion­naire au sens strict, mais s’affirma contre cer­taines consé­quences per­çues comme par­ti­cu­liè­re­ment mena­çantes, telles par exemple que l’égalitarisme, l’extension des pou­voirs de l’État, l’irréligion, la menace du socia­lisme, la des­truc­tion des liber­tés locales. La fameuse sen­tence de Bona­parte au len­de­main du 18 Bru­maire tra­dui­rait assez bien ce désir de ne pas dépas­ser un cer­tain stade du pro­ces­sus : « La Révo­lu­tion est fixée aux prin­cipes qui l’ont com­men­cée : elle est finie. » La logique phi­lo­so­phique tout comme la réa­li­té des pro­ces­sus poli­tiques montrent que ce temps d’arrêt n’est qu’un répit plus ou moins durable avant la reprise du mou­ve­ment révo­lu­tion­naire. Mais le conser­va­tisme, comme atti­tude men­tale, y trouve son bien.

La dis­po­si­tion d’esprit conser­va­trice se signale par une aller­gie aux « abs­trac­tions ». (Le Dic­tion­naire pré­ci­té com­mence signi­fi­ca­ti­ve­ment par cette entrée, au sin­gu­lier.) Il n’entend pas par là, ou pas d’abord, celles qu’Augustin Cochin avait iden­ti­fiées comme pur pro­duit des méca­nismes d’élaboration de l’utopie révo­lu­tion­naire dans les socié­tés de pen­sée. Il vise l’appel aux prin­cipes intan­gibles, les don­nées uni­ver­selles de la rai­son, les dogmes chré­tiens irré­for­mables. Le conser­va­tisme est sous cet angle com­pa­rable à une sorte de pro­tes­tan­tisme modé­ré, se dis­tin­guant d’un catho­li­cisme par trop « intran­si­geant » et sta­tique. Si Cha­teau­briand vou­lait « oppo­ser une digue [au] tor­rent » révo­lu­tion­naire (Le Conser­va­teur, 1818, cité ibid, p. 16), d’autres se méfie­ront symé­tri­que­ment de l’affirmation sociale de la royau­té du Christ, grosse à leurs yeux de tous les dan­gers « inté­gra­listes » sinon même inté­gristes. Récu­sant les formes sec­taires du laï­cisme, le conser­va­tisme n’en est pas moins favo­rable à une sépa­ra­tion du poli­tique et du reli­gieux – au même titre qu’il l’est envers d’autres sépa­ra­tions, celle notam­ment qu’il entend main­te­nir entre le pri­vé et le public, ou encore entre la « socié­té civile » et l’organisation poli­tique de la com­mu­nau­té. En d’autres termes, le conser­va­tisme est une variante de la pen­sée poli­tique moderne, une variante modé­rée. Sans employer le mot, Phi­lippe Béné­ton illustre ain­si la recherche de l’équidistance qui en est la marque prin­ci­pale, en mul­ti­pliant un cer­tain nombre d’expressions très par­lantes : « […] il fait tâton­ner à la recherche d’un point d’équilibre […] le conser­va­tisme moderne entend tenir les deux bouts de la chaîne […] la bonne for­mule ou la moins mau­vaise ne peut être qu’une for­mule mixte […] inache­vée […] » (Dic­tion­naire du conser­va­tisme, op. cit., entrée « Pen­sée conser­va­trice »).

Ce fai­sant, le conser­va­tisme, quelle que soit la diver­si­té de ses nuances, pose un pro­blème de méthode. L’allergie qu’il mani­feste envers les « grandes idées », les « doc­trines abs­traites », le conduit, en théo­rie ou au moins en pra­tique, à pri­vi­lé­gier les com­pro­mis, la recherche des « accom­mo­de­ments rai­son­nables », les solu­tions de tran­sac­tion. Sous ce rap­port, Joseph Rat­zin­ger avait déve­lop­pé une argu­men­ta­tion typi­que­ment conser­va­trice lors d’un dis­cours au Bun­des­tag, en 1981 : « Ce n’est pas l’absence de tout com­pro­mis, mais le com­pro­mis lui-même, qui consti­tue la véri­table morale en matière poli­tique. » (texte repris dans Église, œcu­mé­nisme et poli­tique, Fayard, 1987, p. 200). Le car­di­nal affir­mait encore que « la morale poli­tique consiste jus­te­ment à résis­ter à la séduc­tion des grandes paroles, sur la base des­quelles on joue avec l’humanité de l’homme et avec ses pos­si­bi­li­tés » (ibid.). A l’arrière-plan d’une telle concep­tion se situe sans aucun doute une crainte du lyrisme poli­tique et de ses consé­quences désas­treuses, mais elle bas­cule aisé­ment, dans ce cas pré­cis au nom de l’humilité, sur un éton­nant pri­mat de la praxis, non dans le sens mar­xiste mais comme atten­tion prio­ri­taire por­tée au « réel », à ce qui per­met d’assurer un équi­libre accep­table au milieu des ten­sions s’exerçant dans une socié­té don­née. Le risque majeur de cette manière de pen­ser la poli­tique est d’accepter les pro­ces­sus de dégra­da­tion por­tant sur des don­nées jugées secon­daires afin de sau­ver ce que l’on tient pour essen­tiel. La poli­tique défi­nie comme la per­pé­tuelle recherche du com­pro­mis plu­tôt que celle de l’ordre le meilleur s’accommode faci­le­ment avec l’acceptation posi­tive du moindre mal.

On objec­te­ra que le réa­lisme poli­tique aris­to­té­li­cien constate que le régime qui convient aux Spar­tiates n’est pas celui qui convient aux Athé­niens, qu’il y a donc diver­si­té légi­time en fonc­tion des temps et des lieux, et que cette manière de voir se retrouve dans les constats empi­riques des conser­va­teurs et leur sou­ci de ne pas som­brer dans l’utopisme. Dans une cer­taine mesure, cela est vrai, mais en par­tie seule­ment. Aris­tote dépasse, par voie de rai­son­ne­ment, les constats socio­lo­giques oppo­sables à l’idéalisme de Pla­ton : il suf­fit de lire les pre­miers cha­pitres de sa Poli­tique pour com­prendre l’universalité des concepts poli­tiques fon­da­men­taux qu’il élu­cide, concepts appro­fon­dis ensuite par saint Augus­tin et sur­tout saint Tho­mas d’Aquin. Si la poli­tique est une forme de pru­dence, et même la plus éle­vée, elle implique la com­pré­hen­sion des situa­tions concrètes dans leurs diver­si­tés de temps et de lieu, et celle des normes qui tiennent à sa nature propre et se ramènent en défi­ni­tive à la jus­tice et à l’ordination au bien à atteindre dans ces situa­tions concrètes. Le prag­ma­tisme vers lequel penche le conser­va­tisme ne s’intéresse pas, ou de manière vague seule­ment, à cette ordi­na­tion au bien et au Bien ultime, divin, de toute la vie humaine, au contraire, il se méfie de tels termes dans les­quels il croit per­ce­voir des formes de pen­sée rigides, uto­piques, « abs­traites », régres­sives. On com­prend alors que le conser­va­tisme fasse aisé­ment bon ménage avec un cer­tain agnos­ti­cisme, au moins pra­tique. Ce der­nier se mani­feste d’abord par la faible place accor­dée à la phi­lo­so­phie poli­tique pro­pre­ment dite, à ne pas confondre avec les déve­lop­pe­ments his­to­riques, socio­lo­giques ou théo­riques éla­bo­rés par des auteurs eux-mêmes libé­raux.

Le cas des com­mu­nau­ta­riens anglo-saxons est inté­res­sant pour illus­trer dans le même temps une réflexion qui peut se réfé­rer aux auteurs antiques, médié­vaux et contem­po­rains qui s’inscrivent dans leur sillage, et l’intégration d’un rela­ti­visme qui en arrive logi­que­ment à en rui­ner la por­tée. Le cas d’Alasdair MacIn­tyre, entre autres, l’illustre : il reprend en effet l’idée abs­traite du bien com­mun dans sa com­pré­hen­sion la plus clas­sique, mais la dis­sout ensuite dans la plu­ra­li­té des concep­tions qu’en donnent les com­mu­nau­tés les plus variées – véri­té en deçà, erreur au-delà. L’universel se noie ain­si dans le cultu­ra­lisme. Certes, McIn­tyre n’est pas conser­va­teur à l’ancienne manière, venant lui-même du mar­xisme. Il illus­tre­rait plu­tôt ce que Ber­nard Bour­din nomme le « conser­va­tisme pro­gres­siste », qu’il décrit sous une cer­taine forme mili­tante : « À rebours d’une vision soté­rio­lo­gique de l’histoire, qu’elle soit reli­gieuse ou poli­tique, et à rebours du pré­sen­tisme, un modèle pro­gres­siste de conser­va­tisme ou un modèle conser­va­teur du pro­gres­sisme pro­pose une ambi­tion plus modeste, mais aus­si plus réa­liste, celle de péren­ni­ser le des­tin des démo­cra­ties euro­péennes. » (Dic­tion­naire…, op. cit., p. 247). L’apparent oxy­more pro­po­sé par le domi­ni­cain dépasse la situa­tion actuelle à par­tir de laquelle il le for­mule, celle de la socié­té « mul­ti­cul­tu­relle » et sans fron­tières mise en place au for­ceps. Toc­que­ville comme Mon­ta­lem­bert, plus tard Mari­tain font leur le prin­cipe his­to­ri­ciste et pro­gres­siste qui veut qu’à l’évolution natu­relle de l’humanité suive une courbe ascen­dante mar­quée par des époques suc­ces­sives se déclas­sant l’une après l’autre. Il est donc dans l’ordre des choses que le conser­va­tisme, en tant que construc­tion empi­rique d’un ensemble de valeurs – biens authen­tiques ou de conven­tion – tenues dans la durée puisse à la fois vou­loir les sau­ve­gar­der et accep­ter l’idée qu’elles se trans­forment. Mais la ques­tion prin­ci­pale est de savoir s’il existe un ordre acces­sible à la rai­son, ou si l’on reste dans l’impuissance de le pla­cer autre­ment que dans le dérou­le­ment har­mo­nieux d’une dia­lec­tique his­to­rique. La réponse posi­tive à la pre­mière par­tie de l’alternative montre toute la fai­blesse du conser­va­tisme, qui appa­raît alors comme une quête de délais dans le chan­ge­ment.

Concluons par trois remarques.

Tout d’abord, la France n’a pas connu de conser­va­tisme pro­fes­sé ex cathe­dra, sauf modestes excep­tions. Mais elle en a connu la réa­li­té, ô com­bien, sous la forme du modé­ran­tisme. Il en résulte que le « retour conser­va­teur » actuel­le­ment pro­mu revêt un carac­tère fac­tice, condi­tion­né par une cer­taine conjonc­ture poli­tique – l’effondrement élec­to­ral d’une droite par­le­men­taire vide d’idées –, et à ce titre pro­ba­ble­ment appe­lé à une durée éphé­mère.

D’autre part, l’attitude conser­va­trice se retrouve sous des traits dif­fé­rents dans l’Église post-conci­liaire, par­ti­cu­liè­re­ment aujourd’hui alors que se déroule un pro­ces­sus révo­lu­tion­naire sous la direc­tion du pape Fran­çois. Les « conser­va­teurs » défendent les prin­cipes catho­liques de tou­jours, mais ils acceptent, au prix d’arguties léni­fiantes, les trans­for­ma­tions qui les pié­tinent, refu­sant de les affron­ter fran­che­ment. Il est pos­sible que le res­sort de tels com­por­te­ments soit quelque effroi devant les consé­quences d’une prise de posi­tion ouverte, mais il est aus­si envi­sa­geable que la cause se situe dans cette longue habi­tude d’opportunisme qui conduit à ne pas accor­der d’importance sérieuse à la doc­trine et beau­coup plus à la recherche d’un concor­disme à vil prix. Dans ce cas, le « conser­va­tisme » s’assimilerait au « clé­ri­ca­lisme » tel que l’entendait Augus­to Del Noce, consis­tant à évi­ter toute forme de mar­gi­na­li­sa­tion.

Enfin ceux qui, dans les cir­cons­tances actuelles d’oppression de la part des maîtres de la culture domi­nante, ont conscience de devoir conser­ver les biens majeurs sur les­quels se fonde une civi­li­sa­tion et l’identité spi­ri­tuelle de leur pays gagne­ront à se pré­ser­ver des éti­quettes ambi­guës, à culti­ver l’héritage à trans­mettre et faire fruc­ti­fier, et à prendre les moyens natu­rels et sur­na­tu­rels de le défendre contre les attaques qui visent à en faire dis­pa­raître la moindre trace.

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